Sur la Route…

  • La Route 1. (2013)

  • La Route 2. (2015)


Cette série est l’évocation d’une expérience à laquelle j’ai été initiée dès l’enfance, dans les années 60…
En général, on s’attache au résultat du déplacement : les arrêts, la route n’étant que le moyen d’y parvenir ; mais si l’essentiel tenait aussi au déplacement lui-même ? Même si c’est la destination poursuivie qui donne au voyage sa coloration intérieure, sa part d’imaginaire ?
La Route, chacun a donc sa déclinaison du mythe…
Pour moi, elle part de l’Ouest vers  l’Est,  alternant route terrestre et route maritime, la voiture et le ferry, de l’Atlantique à la Méditerranée…
1977,  vers Athènes et retour, près de 9000 km, la guerre de Yougoslavie n’a pas encore eu lieu… route essentiellement terrestre donc ; 1979, vers Venise, Athènes, Haïfa, Jérusalem, la Mer rouge…  5 jours et nuits de traversée en ferry de la Méditerranée d’Ouest en Est.  Puis les années 2000, cinq  voyages en Grèce, la voiture, le ferry,  Venise, Athènes, les Cyclades… dont un retour par la route au cœur de l’Europe, Sofia, Belgrade, Budapest, Vienne…
Prendre des photos, immobile, alors que l’image défile dans son cadre ; pour le passager, voiture ou ferry, l’expérience est la même : les heures passent, la lumière change,  la nuit tombe, le jour se lève, l’espace défile avec le temps.
Durant la préparation de cette série, outre de relire La Route de Kerouac(1), j’ai –par  hasard– rencontré une évocation de cette expérience : quelques photographies de Joel Meyerowitz(2) , accompagnées d’un texte du photographe :
« J’ai réalisé que la vitre de la voiture était le cadre et que, pour ainsi dire, la voiture était l’appareil photo qui me contenait, moi, le photographe, et que le monde défilait sur un écran sous la forme d’une image sans cesse renouvelée. (…)
J’ai cherché les images brutes et fragmentaires qui émergeaient de mon monde en mouvement. Ce sont comme des fragments d’événements marginaux, qui, une fraction de seconde, ont traversé la vitre de ma voiture pour pénétrer mon esprit."

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(1) « …retrouver la pureté de la route… la pureté du voyage, de la destination, quelle qu’elle soit, le plus vite possible, dans le frémissement et la jouissance de tous les possibles. » ; « la pureté de la route. Au centre du highway, le ruban blanc se déroulait, notre pneu avant gauche y était rivé, comme l’aiguille au microsillon ». « (…) pendant que les villes (…) se déroulaient en accéléré comme la bobine du rêve, dans le rugissement du moteur et la rumeur des mots. ». «  Quand je fermais les yeux, ce que je voyais, c’était la route, qui se déroulait à l’intérieur de moi. » « Pour la première fois de ma vie, l’air du temps n’était pas quelque chose qui me touchait, me caressait, me glaçait ou me mettait en nage, mais se fondait en moi. L’atmosphère et moi ne faisions plus qu’un. »
(2)  Lors de l’exposition rétrospective du photographe américain en février 2013 à la Maison de la Photographie à Paris.